En Italie, un projet où agriculture conventionnelle et biodiversité coexistent

Credit: Lorenzo Buzzoni

Quand on quitte Milan, le paysage passe vite de la ville à de vastes champs de riz, de maïs et de blé. La Lombardie est l’épicentre de l’agriculture intensive en Italie et l’agrobusiness a remplacé les exploitations familiales qui florissaient là, jusque dans les années 60. Aujourd’hui, 80% des subventions agricoles européennes sont ramassées par 20% des fermes. Une majeure partie se concentre dans cette région.

Mais ces plaines en monocultures ont un nouveau voisin, et il est incongru. Quand on arrive à Giussago, un village à 20 kilomètres de Milan, la première chose qui frappe le visiteur, ce sont les hérons dans le ciel, les grands arbres, les petites mares, les roseaux qui dansent sur les marécages.

C’est sur ces terres qu’en 1995, l’ingénieur Giuseppe Natta, fils du chimiste Giulio Natta (lauréat du prix Nobel – avec l’Allemand Karlz Ziegler – pour l’invention des polymères), s’est embarqué pour une aventure unique. Promouvoir la collaboration entre la biodiversité et l’agriculture. La famille Natta fut l’une des premières récipiendaires de la subvention européenne pour la création d’espaces protégés : depuis le milieu des années 1990, elle a reçu 500000 euros par an pour ses initiatives en faveur de la biodiversité.

“La réintégration de la nature dans les zones agricoles est devenu notre job”, explique l’agronome Alberto Massa Saluzzo, qui a travaillé sur le projet depuis son lancement. “L’Europe nous paie pour voir les hérons voler de nouveau, les faucons maltais reviennent, tout comme les grenouilles et les cerfs”.


La famille Natta reçoit tous les ans une subvention de 500 000 euros pour ses initiatives en faveur de la biodiversité

Tandis que les arbres et les plantes poussent, les libellules sont revenues dans les marais, le sol est devenu plus fertile et s’est construit des défenses naturelles. Le charançon du cotonnier est un ennemi des pousses de riz Carnaroli et souvent les agriculteurs dispersent de l’insecticide pour en venir à bout. À Giussago, ce sont d’autres insectes – plus haut dans la chaîne alimentaires – qui s’en occupent.

“Ici, nous avons créé des haies, des marais, des marécages, des forêts qui ont le pouvoir de régénérer la biodiversité, ces zones naturelles nous permettent de réduire l’usage des produits phytosanitaires”, soutient Vittorio della Monica, directeur marketing. “Ici le contrôle est opéré par la faune elle-même, prédatrice des insectes nuisibles aux cultures”.

L’étendue naturelle compte 1200 hectares et abrite plus de 2 millions d’arbres et de plantes. Niché au beau milieu, le centre d’innovation Giullo Natta a ouvert en 2018. Il héberge des start-ups qui se sont lancées sur le terrain de l’agriculture responsable et l’économie circulaire.

Entre l’oasis de biodiversité et les champs, pas de mur. Les bosquets sont séparés des cultures par un petit canal où les grenouilles aiment se cacher la nuit, un champs de riz le jouxte. Pas de pompes, pas de moteurs : quand le niveau de l’eau doit être relevé, le canal est ouvert et l’eau circule pour irriguer les champs.


Le parc couvre 1200 hectares, on y trouve des champs de riz et plus de 2 millions d’arbres et de plantes

Mais tout n’est pas absolument parfait non plus. Des pesticides sont tout de même utilisés, mais avec modération. Vittorio della Monica nous explique : “les pesticides ne sont pas le diable incarné. Le vrai problème dans ce monde, c’est l’agriculture intensive, la sur-exploitation des sols, le problème c’est notre façon d’utiliser les pesticides.”

Adriano Ravasio, agronome au laboratoire Simbiosi (qui gère l’aspect technologique du centre d’innovation), nous offre une explication plus technique : “Nous réduisons l’usage des pesticides, mais aller jusqu’aux méthodes bio est risqué pour le riz : vous ne pouvez pas assurer la productivité attendue des agriculteurs”.

Des pratiques innovantes en terme de réduction des pesticides continuent d’être développées : on envisage d’utiliser les criquets et on déploie une armée de chèvres dans les champs pour dévorer les mauvaises herbes et donc réduire l’utilisation des herbicides.

“Les fermiers doivent faire les calculs pour réaliser qu’en diversifiant leurs productions, ils peuvent gagner plus qu’en vendant toujours les mêmes produits agricoles, dévalués sur le marché mondial”, soutient Adriano Ravasio. “Et en plus, ils rendent leurs terres plus fertiles à l’avenir”.

A short film on the Giussago biodiversity park. Credit: Lorenzo Buzzoni.