L’Europe se divise sur les “Coronabonds”

Tansy E. Hoskins
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Quand on lui demande quel fut l’épisode le plus compliqué d’une semaine chargée de réunions tendues et de haut-vol (entre Ecofin, Eurogroupe et Conseil en vidéoconférence), un fonctionnaire gouvernemental raconte à Investigate Europe ce moment où le Ministre néerlandais de la Finance, Wopke Hoekstra, a créé la polémique. Il a fait une proposition le lundi 23 mars pendant une réunion qui se tenait entre ministres des affaires économiques (Ecofin), au moment où la discussion tournait autours de la proposition controversée de trouver une solution commune à la dette européenne – les Eurobounds, ou Coronabounds comme on les appelle à présent.

Wopke Hoekstra a demandé à la Commission de rédiger un rapport, dès le deuxième semestre de l’année, pour déterminer quels pays seraient capables de gérer la crise, et lesquels ne le seraient pas.

“C’était le moment le plus tendu du débat. De nombreux pays n’ont pas compris l’intérêt d’une demande pareille”, a expliqué une source à l’intérieur du Conseil Européen à Investigate Europe. Dans les pages du quotidien néerlandais De Volkskrant, ce moment particulier a été décrit comme un “doigt d’honneur de Wopke Hoekstra au Sud”. Investigate Europe a demandé au Ministre d’expliquer ce qui se cachait derrière sa requête, qui semblait montrer du doigt l’Espagne et l’Italie, mais n’a pas obtenu de réponse.

“C’était le moment le plus tendu du débat. De nombreux pays n’ont pas compris l’intérêt d’une demande pareille”

Une source à l’intérieur du Conseil Européen à Investigate Europe

Les conséquences sont claires : au Portugal, après la réunion des chef.fe.s d’Etat au Conseil Européen, le Premier ministre portugais António Costa a décrit la proposition néerlandaise comme étant “révoltante”, “basse”, “une menace sur le futur de l’Union Européenne”. Plus tard, lors d’une autre conférence de presse, l’homme plutôt connu pour son calme et sa diplomatie, a été encore plus clair au sujet des coronabounds : “soit l’Union Européenne fera ce qu’il conviendra de faire, soit ça en sera fini”.

Un sentiment familier. Au beau milieu d’une crise, l’Europe est divisée, morcellée. Cela montre combien il est difficile de faire action commune quand c’est le plus nécessaire. Pour l’instant, les dirigeant.e.s européen.ne.s ont seulement été capables de donner un mandat très large à l’Eurogroup, pour qu’il présente, en deux semaines (malgré l’urgence du besoin d’argent), une proposition de crédit de 240 milliards d’euros auprès du Mécanisme européen de stabilité (MES).

Au même moment, au Conseil comme à l’Eurogroupe, la division est nette. D’un côté, des pays comme les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande s’opposent à toute obligation commune pour éviter une crise économique et sociale qui pourrait être la pire à avoir jamais frappé l’Union Européenne. L’Allemagne s’approche de cette ligne, mais avec des nuances. Révélant ainsi  les changements qui ont touché l’Europe depuis la crise de la dette.

Investigate Europe a interviewé des dizaines d’économistes, de ministres et de dirigeant.e.s européen.ne.s. Nous leur avons posé une simple question : y-a-t-il une autre solution que la dette commune européenne pour résoudre la crise ?

Nos recherches montrent qu’il existe un très large consensus dans les états membres qui souhaitent commencer d’émettre la dette commune (13 sur les 19 États membres de l’Eurogroupe). Les écoles de la pensée économique s’accordent toutes maintenant sur cela, qu’elles soient néo libérale, néo classique ou néo Keynésienne.

En Allemagne, par exemple, des économistes aussi différents que Michael Hüther, à la tête de l’Institut de Recherche des Employeurs (ERI), l’autrement plus libéral Clemens Fuest, directeur de l’Institut des recherches économiques (IFO) ou encore Sebastian Dullien, directeur de l’Institut de politique macroéconomique (IMK) plutôt pro-européen, ont joint leurs forces. Avec cinq autres collègues non moins éminents ils ont demandé à ce que “les pays de la zone euro puissent émettre des obligations communes à hauteur de 1000 milliards d’euros (ce qui correspond à 8% du PIB de la zone Euro), qui se limite à la crise actuelle”. Au Portugal, l’ex-coordinateur du Bloc de gauche, Francisco Louçã, et le Gouverneur de la Banque du Portugal, Carlos Costa, sont du même avis.

Investigate Europe a interviewé des dizaines d’économistes, de ministres et de dirigeant.e.s européen.ne.s. Nous leur avons posé une simple question : y-a-t-il une autre solution que la dette commune européenne pour résoudre la crise ?

“À l’heure actuelle, aucun économiste n’est capable de prédire l’issue de cette crise, ni les dégâts qu’elle va provoquer” explique Carsten Brzeski, chef économiste à la banque ING en Allemagne. “Cette crise est inédite, tous les secteurs économiques ont littéralement été mis à l’arrêt, ils sont passés de 100 à 0. Ce pourrait être des raisons suffisantes pour mettre en place une mesure drastique de monétisation de la dette”.

Âgé de 44 ans, Alexander De Croo est un jeune économiste libéral à la tête du Ministère des Finances belge. Lui, use de l’ironie : “dans les mois à venir, nous serons toutes et tous Keynésiens. Nous en sommes tous venus à autoriser les indemnisations de chômage et à injecter de l’argent dans l’économie”. 

Selon lui, cette crise n’a rien à voir avec l’antique crise de la dette : “cette situation est fondamentalement différente et voilà pourquoi : dans toutes les précédentes réunions de l’Eurogroupe et d’Ecofin, le concept d’aléa moral a toujours été le problème, quand des pays demandaient un assouplissement ou un report des engagements du pacte de stabilité et de croissance. Parce qu’ils n’étaient pas en mesure de s’engager”, dit-il.

“L’impact actuel n’est pas causé par une mauvaise gestion des budgets gouvernementaux ou par une mauvaise politique. L’autre grande différence avec la crise de la dette, c’est les pays qui sont touchés : l’Italie est la troisième plus grosse puissance économique, l’Espagne est la quatrième”. 

Sebastien Dullien, directeur de l’Institut de politique macroéconomique (IMK), demande une mise en place rapide des coronabounds : “les obligations communes sont aujourd’hui nécessaires pour faire peser le poids de la dette sur plusieurs épaules. De cette façon, nous pouvons aider les pays qui ont été particulièrement impactés et les empêcher de sombrer dans une crise de solvabilité, dont ils ne sont pas responsables”.

Mais ce n’est pas ainsi que les gouvernements néerlandais et allemand considèrent le problème. Même s’il existe des différences notables dans leurs politiques. Par exemple, l’Allemagne n’affirme pas aujourd’hui qu’elle s’oppose aux coronabounds – contrairement à ce qu’elle dit auparavant. Elle préfère dire que ce n’est pas du tout le moment de les émettre.

“L’impact actuel n’est pas causé par une mauvaise gestion des budgets gouvernementaux ou par une mauvaise politique”.

La position de l’Allemagne

Pour l’heure, le Gouvernement allemand ne souhaite pas participer à la création des coronabounds. Angela Merkel, la Chancelière allemande, a indiqué que Berlin préférait s’appuyer sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), sur le fond de sauvetage de 500 milliards d’euros de la zone euro. Alors que certains états examinaient encore la proposition des Coronabounds, elle a affirmé : “ce n’est pas la conception de tous les États membres”. 

Le Ministre des finances Olaf Scholz, membre du parti social-démocrate, a précisé : “ Il n’y a pas besoin d’inventer de tels outils pour le moment. La solidarité propre à l’Europe fonctionnera selon les outils déjà disponibles, par exemple au travers de mesures que la Commission Européenne est en train de mettre en place sur ses ressources budgétaires. Il y a aussi la Banque européenne d’investissement et le MES”. Le Gouvernement fédéral, lui, prévoit des difficultés techniques dans la mise en œuvre pratique des Coronabounds, le dispositif ne pourrait être immédiatement effectif parce qu’il exigerait des changements législatifs complexes. 

Mais cette position de blocage échoue à reconnaître l’urgence de la situation. La conséquence de cette mise à l’arrêt forcée est prévisible : la récession demandera bien plus de fonds que les budgets rendus disponibles par le MES et l’Union Européenne. Si la situation actuelle traîne sur trois mois, le prestigieux Institut de recherche économique allemand, pour ne citer que lui, s’attend à un ralentissement économique de 20% du PIB allemand. Au Portugal, la Banque centrale prévoit un ralentissement de 37 à 57% du PIB, ce qui dépasse de loin les prévisions de 2% de ralentissement, si une ligne de crédit lui était ouverte par le MES. La situation ne sera pas meilleure chez ses voisins européens.

Dans ce contexte, les économistes du monde entier ont décidé de passer à l’action de manière inédite : ils appellent les gouvernements de l’Union Européenne de tous les bords idéologiques traditionnels à régler leurs vieux différends et à lancer immédiatement un outil de mutualisation de la dette afin de prévenir la catastrophe économique, imminente en Europe. 

De tels fonds, obtenus grâce aux coronabounds, ne se traduiraient pas non plus comme la création d’un “Transfert Union”, que craignent les conservateurs Allemands et Néerlandais, et qui supposerait que les contribuables des pays les plus riches financeraient les états du Sud, déjà criblés de dettes.

Au contraire, le versement du fond pourrait aussi se baser sur le degré de la baisse des performances économiques, et son remboursement (échelonné sur 40 ans) pourrait se jouer sur une contribution additionnelle au budget de l’Union Européenne, qui est aussi proportionnelle aux performances économiques. En suivant ce principe, même la riche Allemagne en sortirait gagnante, notamment si son préjudice économique est plus important qu’en France, par exemple. Un scénario très crédible car l’économie allemande est particulièrement tributaire de l’export. 

Le Premier ministre portugais a trouvé la position allemande modérée et constructive. Selon plusieurs sources, contactées par Investigate Europe, l’Allemagne affirme que les coronabounds pourraient être « une solution miracle », mais plus tard. Pour le moment, apparemment, Berlin considère que l’heure est plutôt à mesurer l’effort approprié, qu’à se précipiter sur les coronabounds.

Les obligations sont-elles hors course ? La réponse est non.

Elles restent sur la table des négociations.  

Après la réunion du Conseil, jeudi dernier, lors de laquelle il a été convenu de donner encore deux semaines à l’Eurogroupe pour trouver une solution, la question reste en suspens : les obligations sont-elles hors course ? La réponse est non. 

Mário Centeno, Président de l’Eurogroupe, a donné une réponse claire à Investigate Europe. “Nous ne retirons aucune option de la table des négociations, car nous ne pouvons pas laisser cette crise sanitaire devenir une crise économique et financière profonde et durable.” Cela suppose que les Ministres des finances vont débattre sur le sujet, même si un accord semble impossible. C’est sans doute pourquoi Mário Centeno ajoute “qu’il reste beaucoup de travail à faire dans les semaines à venir”.

La majorité des gouvernements interprètent la déclaration du Conseil comme un mandat ouvert : “À ce stade, nous invitons l’Eurogroupe à nous faire des propositions dans les deux semaines. Ces propositions doivent prendre en compte la nature sans précédent du choc lié au Covid-19, qui concerne tous les pays. Notre réponse devra être renforcée, si nécessaire, avec de nouvelles mesures qui n’excluent personne, à la lumière de l’évolution de la situation, afin d’apporter une réponse globale.”

La position pro-coronabounds du débat est une force sur laquelle il faut compter. La France, l’Italie et l’Espagne sont quatre des plus grosses économies de l’Union Européenne. Neuf pays ont signé une lettre adressée au Conseil, la semaine dernière, demandant à l’Union Européenne de “travailler sur un outil de créance commune émis par une institution européenne, afin de lever des fonds sur le marché sur une même base, pour que tous les États membres en bénéficient.” La lettre a initialement été signée par la France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, l’Irlande, la Grèce et la Slovénie, le Luxembourg et la Belgique. Mais suite au Conseil, le Premier ministre portugais António Costa a affirmé que “les quatre autres pays s’étaient joints à eux” – tout en refusant de les nommer.

La position pro-coronabounds du débat est une force sur laquelle il faut compter. La France, l’Italie et l’Espagne sont quatre des plus grosses économies de l’Union Européenne.

Même sans l’obtention de l’unanimité, qui est obligatoire dans l’Eurogroupe, cette liste de pays suivis par les quatre états anonymes, devrait suffire à commencer d’émettre des obligations communes dans le cadre des traités. La procédure de “coopération renforcée” autorise neuf pays à lancer une politique commune, même si les autres pays s’y opposent. D’importantes politiques communes, comme l’accord de Schengen ou la création du Parquet européen, ont été mises en places de cette façon.

Mais cette stratégie ne semble pas avoir été proposée, selon deux Ministres de la Finance appartenant à l’Eurogroupe qui défendent la création des coronabounds. La raison : la nature “conflictuelle” d’une telle stratégie et les risques qu’elle pourrait instiller dans la zone Euro.

Le nouveau consensus

Qui aurait imaginé, il y a deux mois, que deux économistes avec des perspectives aussi opposées que Mark Blyth et Guido Tabellini s’accorderaient sur une politique d’intervention d’état comme la création des coronabounds ? À présent, les camps anti et pro politiques d’austérité semblent s’accorder sur l’importance d’un dispositif de mutualisation de la dette en Europe.

Mark Blyth appartient à la centaine d’économistes scientifiques à avoir signé une lettre ouverte établissant que l’Union Européenne avait besoin “d’un outil de créance commun afin de mutualiser les coûts fiscaux dépensés à combattre cette crise. Maintenant il faut agir. Maintenant il faut être solidaires. Il est temps d’émettre les Eurobounds”.

Guido Tabellini, qui occupe la Chaire Intesa Sanpaolo en Politiques économiques à l’Université Bocconi de Milan, en Italiepose le même avis : “une obligation commune est le bon outil”, nous assure-t-il.

“Le Coronavirus est un événement qui arrive une fois dans une vie, avec des implications à la fois économiques et politiques”, a-t-il affirmé. “Si la zone euro ne parvient pas tout de suite à une inclusion encore plus poussée, elle n’y arrivera sans doute jamais. De nombreux électeurs et de nombreuses électrices pourraient en tirer des conclusions logiques et tout le projet de l’Euro pourrait se défaire”. 

La raison pour laquelle des visions opposées peuvent s’entendre est simple. Les pays de l’Eurozone n’ont pas les mêmes capacités d’emprunter de grandes sommes d’argent s’ils en ont besoin. “Si chaque pays doit financer tout seul ce choc économique, le poids de la dette pourrait laisser les plus faibles états dans une longue dépression économique, une fois passée l’urgence sanitaire”, ajoute Guido Tabellini.

“Le coronavirus est un événement qui arrive une fois dans une vie, avec des implications à la fois économiques et politiques”

Grégory Claeys, de l’Institut Bruegel de Bruxelles, explique l’importance politique de l’Union Européenne : “Que va-t-il se passer si une fois la crise passée certains pays se retrouvent avec une dette de 150% du PIB ? On peut comprendre que certains pays demandent une solution renforcée au problème de la dette”.

“Ce qui est frustrant, c’est que la Zone Euro en tant qu’entité dispose de la capacité de la prendre en charge. La dette de la Zone Euro n’est que de 90% du PIB, alors que les États-Unis, la Chine et surtout le Japon atteignent des niveaux bien plus élevés. Donc en tant que bloc, nous avons bien assez de latitude pour financer cela”, explique Karel Lannoo, directeur général du Centre d’études des politiques européennes (EPC). “Les États membres ne se rendent pas compte du potentiel que pourrait avoir la Zone Euro avec une dette commune, pas simplement en terme de financements, mais aussi en terme de mise en place des taux d’intérêt liés à ces obligations, en terme de pouvoir sur le marché financier, en terme de liquidités sur ces mêmes marchés.”

Sebastian Dullien est Directeur de l’Institut de politique macroéconomique (IMK) : “Les pays de la Zone Euro devraient trouver une façon d’émettre des obligations commune à hauteur de 10 pour cent du PIB et ce dès maintenant. Nous pourrons ainsi probablement compenser jusqu’à 75% de la perte de la demande et de l’investissement”, explique-t-il . “ La Zone Euro ne peut absolument pas se permettre une cascade de crises de dettes nationales touchant des pays membres déjà surendettés, comme ça a été le cas dans les années après 2010. Malheureusement, pour l’instant, les gouvernements concernés ne se sont pas faits à l’idée, mais j’espère qu’au final ils agiront aussi souplement qu’ils le firent par le passé.”

Les prochaines étapes

Les ministres des finances de la Zone Euro se retrouveront cette semaine pour une vidéo-conférence, avec une mission claire du Conseil. Le but serait, après des semaines de débat de fond, de s’accorder sur une limite de crédit pour les états de 240 milliards d’euros, auprès du MES.

Dans sa réponse à Investigate Europe, Mário Centeno affirme  que “cela pourrait être une première étape pour ajouter une nouvelle ligne de défense”. 

Mais cela ne pourrait couvrir que 2% du PIB de chaque pays, ce qui suffit à financer les politiques de santé et d’emploi qui ont été nécessaire à combattre la crise du Covid-19. L’incertitude demeure sur les conditions que les états doivent remplir pour obtenir cette ligne de crédit. Les taux d’intérêts devraient être bas, mais pour l’instant aucun accord n’a été obtenu sur la date limite de son remboursement. Certains pays souhaitent qu’elle soit étalée sur une longue période, 40 ans, d’autres préfèrent que ce soit rapide. 

Voilà où en est le débat aujourd’hui. Tenter de prévenir une nouvelle période d’incertitude quant à l’attitude qu’aura l’Union Européenne face à la crise économique qui touchera plusieurs pays. Des pays qui ont été forcés de mettre à l’arrêt une grande partie de leurs économies pour freiner la contamination, et sauver de l’effondrement leurs systèmes de santé, quand le besoin de soins intensifs a été anormalement mis sous pression. 

Plus qu’une stratégie pour résoudre les problèmes économiques engendrés par le Covid-19, ce sera une tentative pour dissuader de potentiels mouvements spéculatifs sur les marchés. Pour les pays qui ont immédiatement besoin d’une aide budgétaire, après avoir dépensé d’énormes sommes pour compenser les pertes des entreprises comme des salarié.e.s, ce qui serait plus utile qu’une ligne de crédit auprès du MES, ce serait probablement une décision de la Banque centrale européenne de stopper les plafonds sur les achats d’obligations nationales. Aujourd’hui, cette institution explique “avoir un sens du compromis sans limite”, une autre manière de dire qu’il n’y a pas de limites à son action. 

Deux sources différentes ont rapporté à Investigate Europe que pour les pays européens le plafond actuel de 33% pour acheter de la dette, est en cours de révision.

Deux sources différentes ont rapporté à Investigate Europe que pour les pays européens le plafond actuel de 33% pour acheter de la dette, est en cours de révision. C’est un pavé dans la mare pour les marchés : la limite est flexible et, dans le pire des cas, la Banque centrale européenne peut acheter la totalité de la dette contractée par les pays. 

Le plan pour l’Union Européenne, c’est de montrer que les lignes de crédit auprès du MES complète la stratégie de la Banque centrale européenne. Dans l’esprit de tous et toutes, demeurent les stratégies non coordonnées de l’Eurogroupe et de la Banque centrale européenne, pendant la dernière crise de 2011. Cette fois, l’idée c’est que les pays soutiennent les décisions de la Banque.

Tansy E. Hoskins
Le quartier de la Finance de Londres, le 22 mars 2020

Pour l’instant, le seul consensus important arrêté pendant le Conseil Ecofin est le suivant. “Les ministres se sont mis d’accord pour que les conditions sur l’utilisation d’une clause de sauvegarde générale du cadre fiscal de l’Union Européenne soient remplies. Cela donnera aux États membres l’occasion d’aller plus loin dans l’offre d’incitation fiscale pour que leurs économies”.

Le jour qui a suivi la polémique lancée par Wopke Hoekstra, le jeudi 24, l’Eurogroupe s’est à nouveau réuni. Aucune décision n’a été arrêtée sur les Coronabounds, mais le Président du groupe, Mário Centeno, comme le Ministre des finances portugais et le Commissaire des Affaires économiques, l’italien Paolo Gentiloni, a confirmé que l’option des Coronabounds est toujours sur la table. “Nous explorerons toutes les possibilités de relever les grands défis qui nous attendent”, a expliqué Mário Centeno. 

Au regard d’une semaine frénétique, remplie de réunions informelles et en petits comités entre Ministres de la Finance, chefs d’états et de gouvernements, la réunion du Conseil de jeudi semblerait presque calme, même si le sentiment d’urgence était de mise. 

La crise du Covid-19 ne sera pas résolue demain, pas avant que l’une de ces deux possibilités ait été réalisée : soit la majorité de la population est immunisée contre le virus (les fameux 70% auxquels fait référence Angela Merkel) soit un vaccin est trouvé, testé, approuvé et mis en production en quantité suffisante pour être accessible à tous et toutes.

En attendant, tous les gouvernements dans leur globalité, devront prendre des mesures contradictoires pour s’en assurer, tout en empêchant la propagation du virus (ce qui cause l’effondrement des systèmes de santé, comme on le constate en Italie et en Espagne) et en s’assurant que l’économie ne se bloque pas pendant le confinement (au risque de provoquer du chômage massif et de réduire les budgets d’états à un minimum record).

Pour l’instant, les gouvernements font face à un sérieux problème sanitaire et une crise économique inédite qui atteint le coeur même des “marchés” : la crise de l’incertitude.

Extrait du graphique d’Investigate sur l’Europe du Covid-19 (lien ci-dessous)

Cliquez ici pour consulter notre graphique basé sur les données de l’Université John Hopkins. Ce graphique unique a été développé par Investigate Europe pour accompagner la recherche et la compréhension des lecteurs et lectrices sur la situation que nous rencontrons en Europe.