L’histoire se répète : les tentatives d’assurer une justice vaccinale n’aboutissent pas

  • Des pays représentant 13% de la population globale ont pré-commandé la moitié de la quantité de vaccins bientôt disponibles.
  • La mesure historique de ne mettre en place qu’un point de vente mondial est sous financée.
  • Les pays riches ont mis un veto à une proposition sud-africaine et indienne de produire un vaccin sans brevet jusqu’à ce que l’immunité collective soit acquise.
  • Très peu de recours existent pour empêcher l’industrie de tirer profit des vaccins, financés en majeure partie par des fonds publics.

L’allégresse a gagné le monde entier quand le géant pharmaceutique Pfizer et son partenaire, la société allemande Biontech, ont annoncé la découverte d’un vaccin contre la Covid-19. Son efficacité est de 90%, a claironné le duo.

Cette grande nouvelle annoncée le 9 novembre a ouvert la porte à d’autres annonces. Deux jours après, des chercheuses et chercheurs russes ont annoncé que leur vaccin, baptisé Sputnik, était fiable à 92%. Cinq jours après, c’est l’Américain Moderna qui a pris la suite, en annonçant que son vaccin était efficace à 94,5%. Ce à quoi, le duo Biontech-Pfizer a répondu par un nouveau score pour sa trouvaille : 95% d’efficacité. Moins d’une semaine après, Astra Zeneca faisait la Une avec des études montrant que son vaccin contre le Covid-19 avait protégé 70 à 90% des participant.e.s aux essais cliniques.

Ces quatre vaccins en sont à leur troisième phase d’essais cliniques, donc ces résultats peuvent encore changer. Mais le monde se rapproche certainement d’une issue favorable, dans la lutte contre le coronavirus. Du côté des marchés financiers, cela signifie que le bout du tunnel n’est plus si loin que ça. Et cet optimisme s’accompagne d’opportunités financières : des investisseuses et investisseurs engagent de nouveaux fonds sur les marchés : les cours du pétrole et des actions reprennent de la vigueur en bourse.

Pour les fabricants de vaccins aussi, il s’agit d’une opportunité, une passerelle vers la gagne. La perspective seule de contrôler le virus, qui a paralysé l’économie mondiale et restreint le développement vaccinal de plusieurs années à quelques mois, a permis aux actions de Moderna de grimper de 390 % depuis janvier 2020. En conséquence, son patron est devenu milliardaire. Alors que la nouvelle des excellents résultats du vaccin Pfizer faisait le tour du monde, et que les actions de la multinationale gagnaient 15 points, son PDG lui-même mettait en vente des parts d’une valeur de 5,6 millions de dollars.

Selon les calculs du quotidien The Guardian, Pfizer et Biontech pourraient gagner 9,8 milliards de livres sterling en 2021, avec la vente de leur vaccin sur le marché mondial.

1. Une course qui oppose les entreprises aux États

Est-ce que les annonces des vaccins sont de vraies avancées ou bien seulement des effets d’annonce à destination des marchés financiers ? Le monde ronge son frein, dans l’attente des résultats positifs des essais cliniques alors même que plus de 10000 personnes décèdent chaque jour des suites du virus. Dans l’atmosphère flotte toujours un parfum de course hippique : qui sera premier ? Qui est déjà favoris ? Est-ce Moderna ou bien Sanofi ? Peut-être Pfizer ? Astra Zeneca ? Ou bien un outsider chinois ? Ou sera-ce un vaccin russe ?

L’enjeu de cette course, n’est pas simplement de savoir qui sera le premier à fournir un vaccin. Cette course au vaccin a été rendue possible grâce à de massifs investissements publics en recherche et développement. Cependant, les potentiels vaccins n’ont resteront-ils pas moins la propriété de compagnies privées ? Ces sociétés pourront-elles doubler le jackpot en revendant leurs vaccins aux gouvernements, qui les avaient financés ? Quant à la distribution de ce vaccin tant attendu, sera-t-elle juste ?

Aveuglés par l’excitation qui a suivi ces annonces, personne ou presque n’a prêté attention aux données ci-dessous, rassemblées par le centre Duke Global Health Innovation. Le graphique prouve que les pays riches recevront la moitié des doses de vaccins, dès leur sortie d’usine. Ces potentiels bénéficiaires sont les pays riches tels que le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique et les États membres de l’Union européenne. Mais qu’adviendra-t-il alors des patient.e.s mexicain.e.s, costaricain.ne.s ou égyptien.ne.s ? Elles et ils devront attendre sans doute, et pour combien de temps, nul ne le sait.

Sources : Duke Global Health Innovation Centre’s Launch and Scale Speedometer (2020, GAVI (pour les données Covax*) Banque mondiale (pour les données de population) | données au 20 novembre 2020
* La Covax est une proposition de collaboration globale regroupant 185 pays (soit 90% de la population mondiale). Elle a sécurisé pour l’heure plus de 700 millions de doses, mais n’a pas pour intention de couvrir la toute la population, seulement les plus vulnérables.
Le Canada a affirmé qu’il cèderait une partie de ses vaccins aux pays dans le besoin.


« Les estimations montrent que plus de 50% des premières fournées de vaccins ont été préemptées par de riches gouvernements qui ne représentent que 13% de la population globale », s’offusque Kate Elder, conseillère en politiques vaccinales de la campagne d’accès MSF. « Pour l’instant, une poignée de pays a acheté la plus grande part du stock prévu. Ils ne sont pas les plus peuplés, ils ne sont pas les plus dans le besoin. Ils ont juste eu le privilège de faire usage de leur pouvoir économique et de leur richesse, pour griller la file d’attente mondiale. C’est très inquiétant. Nous avons vu des conduites gouvernementales similaires lors de la pandémie de H1N1, en 2009 », ajoute-t-elle.

Cette fois-ci, cela arrive malgré des initiatives historiques prises pour promouvoir un accès équitable à la vaccination. Des initiatives comme la CEPI (Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies) et la COVAX, un projet lancé par GAVI l’alliance du vaccin en forme de partenariat public-privé, le CEPI et l’OMS.

2. La Norvège défend les achats directs des pays riches

John-Arne Røttingen est professeur de médecine et épidémiologiste. Il est passé par l’Institut norvégien de santé publique. Il est aussi le premier PDG de la CEPI. Il a dirigé également une étude de l’OMS pour tester des médicaments contre le coronavirus. Récemment, le gouvernement norvégien l’a nommé ambassadeur pour la santé mondiale.

Jonas Bendiksen
John-Arne Røttingen, ambassadeur pour la santé mondiale de la Norvège : croire en des mesures volontaires, attendre de l’industrie qu’elle tienne ses promesses.

Il est erroné de comparer épidémies de Covid-19 et de H1N1, explitque-t-il. « Dans le cas de l’épidémie de H1N1, la capacité de production vaccinale s’ancrait sur des procédés déjà en place, et l’on n’avait à discuter que de la façon de tailler les parts du gâteau. Cette fois-ci, le vaccin n’existait pas. Si les pays riches avaient du patienter que l’initiative COVAX soit établie avant de s’accorder avec les producteurs, cela aurait ralenti toute la mise en production. En fait, les accords que ces pays ont entérinés ont été décisifs pour nous mener à ce niveau là de développement et de production », défend l’ambassadeur.

Il ajoute que le candidat au vaccin Biontech-Pfizer a été en grande partie financé par des fonds américains et allemands, passés par des contrats de marché publics risqués (ce qui signifie que les sociétés n’auraient pas à couvrir les pertes, si d’aventure toute l’entreprise échouait). C’est bien cela, soutient-il, qui a rendu possible d’augmenter les volumes de production à une vitesse qui n’aurait pas été atteignable autrement. Deux jours après l’annonce de Pfizer, MSF s’adressait aux différents gouvernements, demandant aux enseignes pharmaceutiques de rendre publiques leurs accords de licence de vaccin contre le Covid-19. La société a droit à de connaître la nature de ces accords, mérite une transparence sur les coûts des essais clinique et un accès aux données, stipule l’ONG.

MSF a montré du doigt les milliards de dollars d’argent public, l’argent du contribuable, qui ont été dépensés sur le développement de potentiels vaccins.

« Sans une action décisive de la part des gouvernements, demandant une plus grande transparence de la part des sociétés, l’accès équitable aux vaccins contre le Covid-19 est menacé. Avant de savoir ce sur quoi portent ces contrats, les compagnies pharmaceutiques auront le droit de décider qui y aura accès, quand, et à quel prix », précise Kate Elder, de la campagne d’accès MSF. « Ces questions relatives à l’accès au futur vaccin sont prises en charge de façon bilatérale, dans le secret, alors même que c’est la santé publique qui est en jeu. C’est un sujet pratique très spécifique, parce qu’il a aussi des conséquences sur la société et son droit à l’information. C’est de l’argent du contribuable, dépensé à la fois dans la recherche et le développement des vaccins, dans l’accélération des capacités de production et dans la préemption de stocks par les gouvernements », ajoute-t-elle.

Quelques jours après que la breaking-news de Pfizer, quand Moderna a annoncé son propre vaccin, MSF a de nouveau réagit. Moderna doit partager les informations sur son vaccin de façon transparente, et le vendre à prix coûtant, tance l’ONG qui clame que près de 80% des doses prévues par le laboratoire ont déjà été mises de côté grâce à des accords opaques avec les plus riches pays. MSF soulève que les brevets des vaccins permettent aux grands noms de l’industrie pharmaceutique de conserver un droit exclusif de produire et vendre leur médicament pendant 20 ans, ce qui rend la production de vaccins génériques moins chers, impossible. Pour l’instant, les compagnies promettent de ne pas générer de profit, aussi longtemps que la pandémie durera. Mais les mécanismes pour les en empêcher semble bien faibles. Dans un contrat qui a fuité avec un producteur brésilien, on voit bien que Astra Zeneca s’arroge le droit d’annoncer la fin de la pandémie à juillet 2021. Cela implique donc qu’après juillet, la compagnie pourra facturer aux gouvernements et aux acheteurs un vaccin qui aura été presque entièrement financé avec de l’argent public.

John-Arne Røttingen n’en est pas à accepter cela. « Quand ces contrats ont été lancés, il y avait l’espoir que l’on sortirait de la pandémie avant la fin de l’été. Je m’attends à ce que Astra Zeneca pousse jusqu’à ce l’on ait fini de contrôler la pandémie. J’espère qu’ils honoreront leur promesse de ne pas faire de profit sur le dos de la pandémie. »

Personne n’a lu les petites lettres en bas du contrat, au milieu de l’euphorie du vaccin. Tout autours du monde, les gens sont fatigués d’attendre un canot de sauvetage.

3. Pourquoi ne pas rassembler tout le monde pour acheter les vaccins au bon prix, et assurer une juste distribution ?

L’industrie pharmaceutique arrive à tirer des profits que les critiques jugent exorbitants grâce aux ventes de médicaments développés grâce à l’aide de la recherche financée par des deniers publics. Sera-ce aussi le cas avec les vaccins contre le Covid ?

La coalition du vaccin CEPI a rassemblé gouvernements et industriels pour financer et développer les vaccins qui seront fournis à tou.te.s celles et ceux qui en auraient besoin, et au juste prix. Les vaccins candidats sont inclus dans COVAX, une nouvelle structure portée par l’OMS qui a pour objectif d’acheter des vaccins pour le monde entier, tout en s’assurant que les stocks soient distribués et vendus de façon équitable. Cependant, COVAX est chroniquement sous-financé. Il a réussi à lever 2 milliards de dollars, mais aurait besoin de 5 autres milliards en 2021. Et même si la majorité des pays en développement ont signé pour obtenir des vaccins via des achats groupés, les pays riches ont préféré verser des fonds au COVAX, tout en faisant des commandes dans leurs coins, en direct avec les producteurs.

Tout gouvernement a la responsabilité de s’assurer de la bonne santé de sa population. Mais tous les gouvernements ne sont pas équipés correctement pour s’en assurer. Et voilà où est le dilemme : même pour ceux qui pourraient arguer que leur responsabilité ne passe pas les frontières. Seth Berkley, PDG de l’alliance du vaccin GAVI l’a déploré. « Si seulement les pays les plus riches sont protégés, alors le commerce international et la société dans son ensemble continuera d’être frappée par la pandémie, qui fera rage autours du globe », a-t-il dit récemment.

4. Le défi de l’Afrique-du-Sud : un changement de cap

Lors d’une réunion en octobre dans le conseil TRIPS de l’OMC, l’Inde et l’Afrique-du-Sud ont fait la proposition que les pays ignorent la question des brevets s’agissant des médicaments et vaccins traitant le Covid-19, jusqu’à ce que soit atteinte l’immunité collective. Ils étaient soutenus par 99 pays et par MSF. Mais les États les plus riches ont opposé leur veto. Parmi eux, les États-Unis d’Amérique, l’Union Européenne, le Royaume-Uni, le Japon, le Canada, le Brésil, l’Australie, la Norvège et la Suisse, des pays qui avaient tous signé des accords pour s’accaparer un très grand nombre de doses. Si grand, qu’il ne resterait que quelques miettes de la production, aux pays qui sont les plus peuplés. Avec COVAC, les pays africains devaient se voir garanti l’accès à au moins 220 millions de doses. Mais en octobre, le Dr John Nkengasong, directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies, a révélé que cette garantie était très insuffisante, pour un continent dont la population atteint plus de 1,3 milliards d’habitant.e.s.

La proposition sud africaine et indienne faite à l’OMC est une tentative de gagner un peu de solidarité et de tenter des mesures audacieuses qui sortent de l’ordinaire, soutient Umunyana Rugege, directrice de Section 27, un centre juridique d’intérêt public basé en Afrique-du-Sud.

« Les pays riches qui se sont opposés à cette dérogation agissent dans l’intérêt des entreprises, et non dans l’intérêt général », explique-t-elle. « Pourtant ils ne devraient pas se dresser contre des gouvernements qui tentent de protéger la santé publique, et qui ne sont pas assez riches pour avoir acheter tous les stocks en avance. »


Section 27

Les pays riches ne devraient pas se dresser contre des gouvernements qui tentent de protéger la santé publique, et qui ne sont pas assez riches pour avoir acheter tous les stocks en avance, explique Umunyana Rugege, directrice de Section 27, un centre juridique sud-africain

Pour se défendre, l’ambassadeur norvégien pour la santé mondiale explique pourquoi son pays a voté contre l’initiative portée par l’Afrique-du-Sud et l’Inde : John-Arne Røttingen pense que cela aurait été tout juste un acte symbolique, qui aurait eu pu freiner la volonté des industriel de partager ensuite leurs découvertes, et que cela aurait demandé beaucoup de temps précieux. La Norvège, a-t-il ajouté, croit dans le volontarisme.

5. Le nationalisme européen en matière de vaccin appartient au passé, ou pas vraiment

Au tout début de la pandémie, les pays européens s’étaient battus pour mettre la main sur des stocks de masques et autres protections sanitaires, devenus soudainement des denrées rares. Les précommandes groupées passées pour tous les États membres, plus la Norvège et l’Islande, pourrait confirmer que cette bataille ne se répète pas dans l’avenir. La stratégie vaccinale européenne pourrait potentiellement empêcher toute douloureuse compétition, et apporter une « solidarité européenne pérenne », a expliqué Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne.

Marcin Piróg, PDG de la société polonaise Biomed, qui s’est spécialisée dans la production de plasma, soutient cette approche. « Si nous centralisons les achats dans l’Union, alors il n’est plus question de nationalisme, aucun pays n’a le droit de contourner cela », a-t-il expliqué. « Quand l’Union négocie avec les fabricants, elle centralise les ordres de chaque pays. Ce n’est pas seulement Pfizer qui s’apprête à produire le vaccin. Astra Zeneca, Moderna, Johnson&Johnson et le Chinois Sinovac sont aussi dans la danse. »

Mais combien vaut vraiment la solidarité démontrée à l’intérieur de l’Union ? Dans une déclaration, Jens Spahn le Ministre de la santé allemand, il semble que le gouvernement allemand cherche à se procurer au moins 100 millions de doses de vaccin en 2021. Leur distribution en cours, négociée par la Commission européenne, prend en compte la population du pays, pour s’assurer d’une distribution équitable. Selon ces calculs, l’Allemagne devrait donc recevoir 57 millions de doses. Mais le pays veut obtenir tout seul les vaccins qui lui manque et conduit des négociations en parallèle via le consortium Biontech-Pfizer.

Plus tôt dans l’année, le Ministre de l’éducation et de la recherche a lancé un programme de recherche et de soutien à la vaccination, d’une valeur de 750 millions d’euros (incluant des subventions non remboursables). Biontech, comme d’autres fabricants, a reçu 375 millions d’euros de subventions de la part du gouvernement fédéral, dans cette optique.

Mais tout n’est pas non plus noir et blanc. Depuis le début de la pandémie, l’Allemagne, tout comme le Royaume-Uni, la Norvège et d’autres, ont également fait attention à ce que la distribution du vaccin soit proposée à des prix préférentiels pour les pays en développement. Entre autres choses, ils ont participé aux initiatives internationales GAVI et CEPI, et l’Allemagne a versé des fonds à ces programmes à hauteur de 765 millions d’euros.

L’Allemagne déclare également qu’elle serait en mesure de vendre un certain nombre de ses doses à d’autres pays (les médias spéculent sur de possibles reventes low-cost à des pays des Balkans). Les contrats bilatéraux entre l’Union et une poignée de fabricants autorisent cette possibilité.

6. Les méthodes industrielles : partager la technologie tout en gardant les brevets

Est-ce que MSF a raison de dire que les profits des sociétés passeront au dessus des vies humaines, si les gouvernements n’apportent pas leur soutien à l’initiative indienne et sud-africaine ?

« La question des brevets n’est pas le plus grand obstacle à une distribution équitable. Le manque de moyens de production du vaccin dans le Sud, voilà le véritable problème », croit savoir John-Arne Røttingen. « Il y a eu un important transfert de technologie de la part des sociétés qui développent les vaccins, comme Astra Zeneca et Novavax, auprès du Serum Institute indien. Ce transfert de technologie vaccinale est facilité par la coalition CEPI. »


MSF
L’histoire se répète, avec cette pandémie : le roi Dollar décide en grande partie de qui sera vacciné.e en premier. Une initiative sud-africaine et indienne de changer les mécanismes à l’oeuvre a rencontré une importante opposition de la part des pays riches.

Donc quelle est la différence entre un transfert de technologie etle besoin de l’Afrique-du-Sud, de l’Inde et d’autres pays de voir suspendus le temps de la pandémie les droits à la propriété intellectuelle ?

« C’est deux choses différentes », explique Arne Røttingen. « Il y a une discussion politique et idéologique pour savoir si les brevets sont le meilleur moyen pour encourager l’innovation. Cela mérite une plus large discussion. Le transfert de technologie protège tous les droits à la propriété intellectuelle des sociétés, le temps qu’elles rendent disponibles leur production ».

Les brevets sont au cœur du business model pharmaceutique. Les transferts de technologie ne menacent pas ces droits et n’empêchent pas Big Pharma de gagner des fortunes.

Marcin Piróg, le PDG de Biomed, the CEO of Biomed, transmet son credo, qui convient à toutes les sociétés de l’industrie : « Personnellement, je soutient une transparence totale. Mais des brevets libres ? Cela équivaudrait à ce que des sociétés dépensent des millions en recherche et développement, et que d’autres non. Ça n’a aucun sens. Ça va tuer l’envie des sociétés pharmaceutiques d’investir dans la recherche et le développement », explique-t-il.

7. L’histoire en marche

Pendant ce temps là, la course médiatique continue : le vaccin Biontech-Pfizer nécessite un stockage à moins 70 degrés, ce qui en fait une moins bonne nouvelle pour le Bangladesh que pour la Belgique. Une société allemande, Curevac, explique que son produit, toujours en phase 2 des essais cliniques, peut être gardé au frigo. Tout comme le vaccin Astra-Zeneca, qui a l’avantage d’être à la fois le moins cher, mais aussi de faire partie de la coalition COVAX. Le vaccin sera vendu aux pays plus ou moins développés, au prix maximum de 3 dollars par dose.

Mais des questions cruciales restent sans réponse : comment ces doses seront-elles allouées, qui va recevoir les premières fournées ? comment et quand seront-elles distribuées ?

C’est un moment critique pour la santé mondiale, explique Sidney Wong, co-directeur de la campagne d’accès MSF.

« Les gouvernements doivent se demander de quel côté de l’histoire ils veulent être, quand des livres sur la pandémie seront publiés ».


Boîte noire :

L’Union commande « un portefeuille de vaccin extrêmement solide », explique Ursula von der Leyen

Le 25 novembre 2020, l’Union européenne a entrepris des accords d’achats de vaccins avec six sociétés différentes : Astra Zeneca, Sanofi-GSK, Janssen Pharmaceutica, Biontech-Pfizer, Curevac et Moderna. Réunies, ces précommandes font monter le stock potentiel de vaccins anti Covid-19 pour l’Europe à 2 milliards de doses, pour couvrir une population de 553 millions d’habitants (ce qui inclut les pays de la zone économique européenne).

Chronologie des contrats :

24 Novembre : avec Moderna, pour acheter plus de 160 millions de doses de leur vaccin.

17 Novembre : avec CureVac pour un achat initial de 225 millions de doses au nom des États membres de l’UE, avec une option d’ajouter 180 millions de doses.

11 Novembre : Avec Biontech et Pfizer pour un achat initial de 200 millions de doses, avec l’option d’ajouter 100 millions de doses de plus. « Les États membres peuvent décider de donner des vaccins à des pays moins riches, ou de les rediriger vers d’autres pays européens ».

8 Octobre : Avec Janssen Pharmaceutica NV, de Johnson & Johnson, pour des achats de vaccins couvrant une population de 200 millions de personnes, avec une option d’en doubler les quantités.

18 Septembre : Avec Sanofi-GSK, pour plus de 300 millions de doses. “Sanofi et GSK vont aussi s’efforcer de livrer une large partie de leur stocks de vaccins à la coalition COVAX.

27 Août: Avec Astra Zeneca pour 300 millions de doses, avec une option de 100 millions de doses supplémentaires.